La marche du Grand Paris des sans-papiers à moitié route

Bruno - 26/09/2013
Image:La marche du Grand Paris des sans-papiers à moitié route

Sarcelles - mercredi 25 septembre 2013
Interview d’Anzoumane Sissoko (CSP75)

Interview d’Anzoumane Sissoko, porte-parole de la marche, de la CSP75 (Coordination 75 des sans-papiers), et un des portes-paroles de l’UNSP (Union nationale des sans-papiers).

Hier nous sommes arrivés à Argenteuil et aujourd’hui à Sarcelles. Nous avons parcouru la première des deux grandes boucles autour de Paris, la moitié du parcours. Nous sommes partis le 7 septembre de la place de la République à Paris pour Mesnil-Amelot, où se trouve le plus grand CRA de France : nous avons demandé sa fermeture. Dès le départ de notre marche, nous avons demandé la fermeture de tous les CRA, ces camps où la France enferme ses esclaves sans-papiers.

À partir de Mesnil-Amelot, nous sommes descendus dans la grande banlieue Est, nous avons traversé la grande banlieue Sud, puis sommes remontés à l’Ouest de la capitale. Nous parcourons maintenant la grande banlieue Nord, en nous approchant de Paris au fur et à mesure. Nous allons en refaire le tour en traversant la proche banlieue, et nous rentrerons dans la capitale le samedi 5 octobre, pour aller à l’Élysée faire entendre nos voix de protestations : pour demander la régularisation immédiate de tous les sans-papiers et la démission de Valls, ce ministre qui a mis en place une politique d’immigration criminelle, beaucoup plus restrictive encore que celle des gouvernements de droite qui ont précédé le gouvernement socialiste.

Le dimanche 6 octobre la marche se terminera à Paris par un événement qui reste à définir.

La marche s’est déroulée jusque-là selon nos programmes. Les deux premiers jours, et puis aussi trois jours pendant la traversée de Versailles et des communes de droite tout autour, ont été durs. Mais partout ailleurs nous avons été très bien reçus, soutenus, hébergés et nourris par de nombreux camarades locaux. Je voudrais souligner ce fait que non seulement nous avons été chaleureusement et généreusement fêtés, mais que beaucoup de ces camarades nous ont encouragés à poursuivre notre lutte : qui, nous ont-ils dit, est pour eux un exemple.

Elle leur montre, par sa détermination, qu’il ne faut jamais perdre courage : même pas quand les temps sont durs à cause, surtout, d’un gouvernement socialiste qui, au lieu d’être l’ami espéré, se révèle, jour après jour, l’ennemi des travailleurs et militants de gauche ; durs à cause d’un parti socialiste qui ignore jusqu’aux bases, jusqu’à la signification pure et simple du mot socialisme.

Le discours de ces camarades me semble très instructif.

Car, j’en suis persuadé, ils n’ont pas les mêmes doléances, les mêmes revendications et les mêmes analyses que nous. Et pourtant, leur discours rejoint ce que nous, sans-papiers de la CSP75, soutenons depuis toujours. Quand quelqu’un est en lutte, dans le mouvement social réel, il faut le soutenir en tout cas : même quand on n’est pas d’accord avec ce qu’il dit. Ce n’est que par le soutien réciproque et solidaire, par l’union des forces sur le terrain, que les luttes peuvent aboutir.

Contre ce savoir qui est un acquis de l’expérience de la lutte, il y a tous ceux qui veulent (et ils sont nombreux) qu’on soit d’abord d’accord sur tout, qu’on partage les mêmes idées (les leurs !), les mêmes mots et les mêmes manières de faire, avant de s’engager dans la lutte. Ceux-là sont en réalité des ennemis de la lutte, et ils sont encore pires que l’État. Je vais en apporter un exemple.

Pendant la marche, trois nuits nous avons dormi dans des locaux mis à notre disposition par les préfectures, faute d’autres locaux. Des soutiens associatifs ne voulaient pas qu’on accepte. Dans leurs têtes, se conformant à leur idée de la marche, les marcheurs devaient refuser l’hospitalité « de l’État » ; et dormir en plein air exposés à la pluie et au froid de ces nuits d’autome précoce. Alors qu’eux, que font-ils à longueur de journée, assis à leurs bureaux, si ce n’est quémander en toute occasion l’aide étatique ?

Mais il y a pire, les ennemis jusque dans nos rangs. L’UNSP est l’union de plusieurs collectifs sur des objectifs communs, union décidée en avril dernier à la suite des luttes de décembre-janvier contre la nouvelle politique de non-régularisation des sans-papiers inau-gurée par Valls. Quand la marche du Grand Paris fut approuvée sur la proposition de la CSP75, les collectifs eurent deux mois pour préparer le texte précisant la cible spécifique de l’initiative : la circulaire anti-collectifs du ministre de l’intérieur. Rien ne fut fait. Quatre jours avant le départ de la marche, la CSP75 décida donc de préparer elle-même la pétition VALLS DÉMISSION !, dont le texte fut approuvé à la réunion de la veille du départ par tous les présents sauf un.

Depuis, cette personne (une française) n’a fait que semer la zizanie dans les collectifs, accusant la CSP75 de « non-respect des formes ».

Certes, peut-être avons-nous employé un ou deux mots de trop (ou trop forts) : c’est toute l’accusation portée contre la CSP75. Mais est-ce qu’un tel défaut « de forme » comporte aussi, sous prétexte de nos procédés supposés antidémocratiques, l’abandon de l’essentiel, de la cible visée, et le boycott de la pétition demandant la démission d’un ministre qui s’est fait le fer de lance de la xénophobie et du racisme criminels d’État ? (Voir ses toutes dernières déclarations sur les Roms.)

Ce boycott s’ajoute à celui opéré par le PS dans les communes traversées, au motif que la pétition (de l’aveu d’un élu socialiste) « n’est pas soutenue par RESF ». Ce boycott revient ainsi à se faire l’allié de fait de celui qu’en paroles on prétend combattre. Et c’est comme cela, par de tels procédés, avec un tel esprit « démocratique », qu’on réussira à faire faillir, comme tant d’autres, aussi la présente lutte de l’UNSP et des sans-papiers qui lui font confiance.

Comme nous l’ont dit de nombreux camarades qui nous ont accueilli les bras ouverts, dans ces banlieues parisiennes qu’on dit anti-immigrés, pour combattre ce gouvernement qui est tout sauf socialiste, l’heure est à un vaste, véritable « front de gauche », qui ne viendrait que de la base et des militants engagés dans les luttes réelles.

Bruno

 26/09/2013

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