épandage aérien : Lettre ouverte aux ministres

Bruno - 1er/07/2012
Image:épandage aérien : Lettre ouverte aux ministres

Comité de défense des intérêts sanitaires et environnementaux de Guadeloupe
Du "principe de précaution"

"Il n’est pas acceptable que des puissances animées par leur seul intérêt économique mettent en danger la santé des citoyens et détruisent la faune et la flore de la Guadeloupe".

Le comité de liaison à l’initiative de la Lettre ouverte que vous pouvez lire ci-dessous appelle au regroupement de tous ceux qui sont soucieux de la protection de la santé et de l’environnement en Guadeloupe.

Il estime que seul pourra constituer une force publique efficace le regroupement dans un comité plus large - dont il a appelé à la création [lire] - de tous ceux et celles qui, quelle que soit leur association, quelles que soient leurs convictions politiques et idéologiques, luttent en ce sens.

"Y a-t-il une logique des choses contre laquelle nous ne pouvons rien faire ou, au contraire, si nous aimons la Guadeloupe, n’est-il pas de notre devoir de tout faire pour stopper la mécanique infernale de ceux qui placent l’argent au-dessus de l’humain ?" - Jacky Dahomay

EPANDAGE AERIEN CONTRE LA CERCOSPORIOSE NOIRE EN GUADELOUPE

LETTRE OUVERTE

A Mme Marisol TOURAINE, ministre des affaires sociales et de la santé,
M. Victorin LUREL, ministre des outre-mer,
Mme Delphine BATHO, ministre de l’écologie,
Monsieur Stéphane LE FOLL, ministre de l’agriculture.

La tragédie du Chlordécone que vivent dans leur chair tous les Guadeloupéens n’aurait-elle rien appris à nos décideurs ? Cet insecticide, classé 2B (cancer possible pour l’homme) par le CIRC (1), R40 (2) & R50/53 (3) par la Commission Européenne (4), a été abondamment utilisé en Guadeloupe pour lutter contre le charançon du bananier entre 1972 et... 1993. Bien qu’interdit aux Etats-Unis depuis 1976 et en France en 1990, il n’en a pas moins continué à être épandu pendant encore trois ans dans notre ile, pour épuiser les stocks !

Le résultat de cette politique est catastrophique :

• augmentation importante du cancer de la prostate (5),

• sols contaminés (le 1/6 ème des terres agricoles) inutilisables pour longtemps, arrêté préfectoral imposant l’analyse des sols avant toute mise en culture de légumes racines non appliqué (6),

• Gestion défectueuse de la crise par l’AFSSA (6), non traçabilité des produits maraîchers 
locaux,

• Entre autres ... 


Ce bref rappel d’une « Chronique d’un empoisonnement annoncé » (7) pose le décor d’un autre désastre en gestation, celui de l’épandage aérien de fongicides pour lutter contre la Cercosporiose Noire (maladie provoquée par le champignon Mycosphaerella fijiensisi Morelet) aux Antilles Françaises. 
Cette nouvelle maladie, beaucoup plus redoutable pour la variété « Cavendish », en culture intensive en Guadeloupe, que la Cercosporiose jaune, y est apparue en Janvier 2012 (8).

Les moyens de lutte envisagés par les planteurs consistent en un épandage aérien dérogatoire de fongicides (TILT, SICO, BION 50WG et/ou GARDIAN) dilués dans une huile dérivée de distillats pétroliers (BANOLE). 


PRODUITS UTILISES

Concernant les produits utilisés, et contrairement aux allégations des « Producteurs de Guadeloupe » (9), ceux-ci sont loin de ne présenter aucune toxicité.

➔ TILT (Propiconazole) :

• Classé R50/53 (3) par l’Union Européenne (4),
• Classé comme carcinogène possible dans le « PAN Pesticides Database »,
• Considéré selon le réseau SAgE comme de toxicité à long terme aiguëe pour l’homme (foie), les poissons d’eau douce.

➔ SICO (Difénoconazole) :

• Classé comme carcinogène possible dans le « PAN Pesticides Database »,
• Considéré selon le réseau SAgE comme de toxicité à long terme aiguëe pour l’homme (foie), les poissons d’eau douce. A persistance élevée dans les sols.


➔BION 50WG (Acibenzolar-S-méthyl), très toxique pour les organismes aquatiques 
(R50/53).

➔ GARDIAN : Classé comme carcinogène possible dans le « PAN Pesticides Database ».

➔ BANOLE : Cette huile dérivée de distillats pétroliers a été pour la première fois pointée du doigt par l’Ordre des Médecins de Martinique (10).

• Classé carcinogène Cat. II R45 (11,12) par l’Union Européenne. Contrairement aux affirmations des bananiers de Guadeloupe : « Cette huile est sans classement au niveau du risque toxicologique » (8) !

Ce classement (13) est sans commune mesure avec celui du chlordécone (14), responsable des ravages que l’on connait. Merci aux antillais d’avoir permis de lever le doute sur la potentialité cancérogène du chlordécone !

• L’UGPBAN conteste dans un article publié le 28/02/2012 (15) que le banole n’est pas 
cancérogène, et qu’il s’agit de la simple huile de paraffine, largement utilisée en pharmacie. Il y a dans cet article un curieux mélange de catégories ! Le banole a en effet le N° CAS 647-42-46-7 (10) alors que l’huile de paraffine est codée CAS 8002-74-2 (16, 17). Pourquoi y aurait-il deux références différentes pour le même produit ? De qui se moque-t-on ? 

Nous alertons les pouvoirs publics sur l’extrême dangerosité, pour la santé des habitants de la Guadeloupe, des produits ci-dessus énumérés et leur demandons d’interdire leur usage en application du « Principe de précaution ».

REFERENCES

[1] IARC Working Group on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans, « Evaluations Globales de la Cancérogénicité pour l’Homme, Groupe 2B : Peut-être cancérogènes pour l’homme » sur http://monographs.iarc.fr/ , CIRC, 16 janvier 2009. Et pourtant la relation entre l’épandage aérien du chlordéconne et l’augmentation du cancer de la prostate en Guadeloupe et Martinique a été scientifiquement prouvée (5) !

[2] R40 : Effet cancérogène suspecté : preuves insuffisantes. Résultat étonnant alors que la relation entre le cancer de la prostate et le chlordécone a été prouvée.

[3] R50/53 : Très toxique pour les organismes aquatiques, peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l’environnement aquatique.

[4] Les phrases de risque ("phrases R") sont des annotations présentes sur les étiquettes de produits chimiques qui indiquent les risques encourus lors de leur utilisation, de leur contact, de leur ingestion, de leur inhalation, de leur manipulation ou de leur rejet dans la nature ou l’environnement. Elles se présentent sous la forme d’un R suivi d’un ou de plusieurs nombres, chacun correspondant à un risque particulier. Elles sont définies dans l’annexe III de la directive européenne 67/548/EEC : Nature of special risks attributed to dangerous substances and preparations. La liste a été complétée et publiée de nouveau dans la directive 2001/59/CE. (Source Wikipédia).

[5] Le professeur Dominique Belpomme a été le premier à souligner la relation entre l’augmentation du cancer de la prostate et l’épandage du chlordécone. Il a été accusé d’être un imposteur et un businessman. Cette relation a depuis été scientifiquement prouvée : Chlordecone Exposure and Risk of Prostate Cancer – Journal of Clinical Oncology (Volume 28, Issue 21 - July 20, 2010 ) par Luc Multigner, Jean Rodrigue Ndong, Arnaud Giusti, Marc Romana, Helene Delacroix-Maillard, Sylvaine Cordier, Bernard Jégou, Jean Pierre Thome, et Pascal Blanchet (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm) U625, Pointe à Pitre ; Inserm U 763 Centre d’Examens de Santé Sainte Geneviéve ; Service d’Urologie, Centre Hospitalier Universitaire de la Guadeloupe - Universite ́ des Antilles et de la Guyane, Pointe à Pitre, Guadeloupe ; U625 Rennes ; Université Rennes 1, Rennes ; Laboratoire d’Ecologie Animale et d’Ecotoxicologie, Center for Analytical and Research Technology, Université de Liége, Liége, Belgique.

[6] Voir sur le site de l’association S-EAU-S (http://seaus.free.fr) l’article de Gérard Borvon « Antilles, silence on empoisonne » signé par ASSE, S O S ENVIRONNEMENT, U P G, UNION REGIONALE DES CONSOMMATEURS, COLLECTIF CONSCIENCE GUADELOUPE, C G T G, LE DR ALBERT DORVILLE MAIRE DE TROIS RIVIERES, C T U, LES VERTS GUADELOUPE, U G T G, ATTAC GUADELOUPE, LE COMITE DE DEFENSE DE L’EAU DE LA GUADELOUPE, P C G, CIPN, MADICE, CFDT, UPLG, ASSOCIATION DES JEUNES AVOCATS, ASSOCIATION LAKOU-LA.

[7] Chronique d’un empoisonnement annoncé , Louis Boutrin et Raphaêl Confiant, Edition l’Harmattan, 2007.

[8] Les Cercosporioses, document de synthèse (Février 2012) édité par « Les Producteurs de Guadeloupe » et « Banamart » (Martinique).

[9] Encart publicitaire paru dans France Antilles Guadeloupe du Samedi 16 Juin 2012.

[10] Expertise Sanitaire du Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins sur le dossier de l’épandage qui conclut à « un avis très défavorable sur tout mode de traitement aérien ou terrestre faisant usage des produits présentés ». Voir par exemple la « Tribune des Antilles » (http://www.latribunedesantilles.net).

[11] R45 : Peut provoquer le cancer.

[12] ESIS (http://esis.jrc.ec.europa.eu/)

[13] Catégorie II – R45 : substances devant être assimilées à des substances cancérogènes pour l’homme. On dispose de suffisamment d’éléments pour justifier une forte présomption ! Voir « classification des cancérogènes » - http://www.carsat- pl.fr/risques/dossiers/chimique/classification_cancerogenes.htm

[14] Catégorie III – R40 : substances préoccupante pour l’homme en raison d’effets cancérogènes possibles mais pour lesquelles les informations disponibles ne permettent pas une évaluation satisfaisante (preuves insuffisantes).

[15] Voir dans le site « Politiques Publiques » (http://politiques-publiques.com/Risques-de cancer-lies-a-l.html ) l’article : Risques de cancer liés à l’épandage : l’UGPBAN conteste

[16] Voir la rubrique « Paraffine » dans Wikipedia.

[17] Voir le site http://www.cas.org/ pour les nomenclatures des produits chimiques.

SIGLES

• AFSSA : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (http://www.afssa.fr/).


• CAS : Chemical Abstract Services.


• CIRC : Centre International de Recherche sur le Cancer / Organisation Mondiale de la Santé – http://www.iarc.fr/indexfr.php.


• ESIS : European chemical Substances Information System.


• PAN : Pesticide Action Network (http://www.panna.org).


• SAgE : Informations sur les pesticides (http://www.sagepesticides.qc.ca/) - Gouvernement du Québec (Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, Ministère du Développement Durable, de l’Environnement et des Parcs, Institut National de Santé Publique).

• UGPBAN : Union Générale des Planteurs de BANanes (Guadeloupe et Martinique).

Bruno

 1er/07/2012

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