Une légalisation du cannabis qui favorise les défavorisés

Michel Sitbon - 2/05/2019
Image:Une légalisation du cannabis qui favorise les défavorisés

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Pour une régulation inclusive

Cela fait bien longtemps que des experts, sociologues ou policiers, alertent sur le fait qu’une légalisation aurait des conséquences sur ces “zones” où les trafiquants contribuent à l’ordre à leur façon.

Sur le versant strictement social, le constat est plus écrasant encore : ce qu’on appelle le deal contribue très fortement à la vie de ces quartiers qui se caractérisent par l’absence quasi-totale d’une économie légale offrant des revenus à leurs habitants, hormis les aides sociales bien sûr. Le dealer remplit le frigo de la maman et achète les cartables des petits.

Pour combattre la misère, le marché noir s’avère plus efficace que l’Etat.

Les risques d’une légalisation du cannabis pour les quartiers
Ainsi une légalisation du marché du cannabis risquerait de priver les banlieues d’une part essentielle de leur économie. Elles pourraient alors s’en trouvent déstabilisées, et on imagine les surenchères de violence qui pourraient en découler. La légalisation du cannabis, qu’elle soit ou non sous monopole d’Etat – comme c’est trop souvent proposé –, devrait ainsi, mécaniquement, induire un problème social…

Ce serait vrai, sauf si on organisait le marché de façon à ce qu’une bonne part de son produit puisse se réaliser dans ces mêmes zones défavorisées. Tentons une loi qui permette à un circuit légal d’être plus performant, et de mieux répartir les richesses que ne fait le marché noir, en s’épargnant, au passage, son cortège de violences, de sanctions, amendes et prison, sans parler de ses deuils ni de la perpétuelle tension policière, si coûteuse à tous points de vue.

Il y a trois étapes à aménager dans le circuit d’une légalisation du cannabis : production, transformation et distribution. A cela, il faut ajouter la question de la fourniture thérapeutique. La production a priori revient aux agriculteurs. On préconise pour ceux-ci une limitation drastique des cultures. Quelques centaines de pieds de cannabis à usage récréatif ou thérapeutique représentent déjà un chiffre d’affaire impressionnant en occupant bien peu de terres. Une telle limitation, en empêchant d’immenses exploitations au rendement vertigineux, permettrait que cette manne se répartisse le plus largement sur l’ensemble des exploitations agricoles, offrant à chacune, si elle le souhaite, un bonus facile à prendre, éventuellement de quelques centaines de milliers d’euros.

Mais le cannabis se cultive également en intérieur, ce qui permet de recycler des locaux industriels ou commerciaux désaffectés dont les zones défavorisées sont justement largement pourvues. Elles se trouvent aussi souvent en bordure de terrains agricoles, et on pourrait imaginer que les jeunes d’une cité aillent cultiver des champs alentour, avec des dispositifs, subventions, prêts et formations, facilitant pour eux la production en intérieur et en extérieur.

Une loi pour ces secteurs défavorisés ?

La loi prévoirait une dérogation déplafonnant, pour ces secteurs défavorisés, la limitation des surfaces de culture imposée par ailleurs à l’ensemble du territoire – un moyen simple pour injecter beaucoup de ressources très vite dans ces quartiers qui en manquent si cruellement d’ordinaire.

Producteurs des villes ou des champs apporteraient leurs récoltes à des coopératives d’achat, lesquelles seraient installées dans ces zones ainsi « favorisées ». Ces coopératives seraient chargées de préciser la composition de chaque plante, et assureraient l’équivalent de ce qui se fait pour les appellations contrôlées des vins. Quant aux activités de transformation en général, elles seraient prioritairement installées dans ces parties du territoire jusque-là défavorisées, auprès de ces coopératives.

De même la formation aux nouveaux métiers du cannabis serait assurée dans ces quartiers où serait implanté le reste des activités de la nouvelle industrie. Des cursus spécifiques sont à mettre en place, lycée agricole spécialisé, université du cannabis et autres. Des subventions importantes pour la recherche ne seraient pas du luxe, tant le retard est important en la matière. De même, sont à penser des mécanismes de prêts facilités, pour permettre à l’ensemble de ces réalités de se mettre en place sans délai, et répondre aussitôt à la demande, le temps d’une récolte…

Un circuit de distribution ouvert

Quant à la distribution par contre, il ne peut y avoir de contrainte territoriale, puisqu’elle se fait forcément auprès de l’ensemble de la population, partout. Mais pour permettre la répartition la plus large des bénéfices de ces nouvelles activités, on opterait pour leur inscription sous le régime de ce qu’on appelait encore il y a peu l’économie sociale et solidaire, et qu’on dit maintenant circulaire. C’est précisément l’idée d’une large circulation d’argent qu’il s’agit de promouvoir pour l’ensemble de cette nouvelle économie, qu’il s’agisse de la production, de la transformation ou de la distribution du cannabis dit récréatif.

Ainsi, toutes les entreprises de ce nouveau secteur seraient des associations ou des coopératives. Leur objet et quelques points de leurs statuts pourraient être prédéterminés par la loi, comme la création d’emploi, la prévention et la promotion des usages vertueux de la plante.

Surtout, la loi prévoirait l’affectation des surplus, de ces entreprises dites à but non lucratif, à la prise en charge des besoins strictement thérapeutiques d’une partie non négligeable de la population pour laquelle, même autorisé, le remède pourrait s’avérer prohibitif. Car la demande en cannabinoïdes à fins thérapeutiques pourrait bien être énorme. A raison de 200 euros par mois pour un très banal mal de dos, comme pour d’innombrables pathologies non moins banales, ceci peut concerner des millions de personnes, et pourrait s’avérer simplement inabordable pour la sécurité sociale…

Plutôt que d’inscrire les cannabinoïdes au tableau de la pharmacopée officielle parmi les remèdes remboursés normalement par l’assurance maladie, on laisserait ce réseau associatif et coopératif prendre en charge la demande de cannabis thérapeutique. Ainsi on poserait une équation qui permettrait que l’usage dit « récréatif » finance les besoins médicaux. Ceci assorti d’une exonération de toute taxe, au bénéfice de la santé publique.

Assurer le plein emploi des jeunes

Pour être certains que la légalisation produise à coup sûr ses effets vertueux, il faut aussi veiller à ce qu’hormis ces règles très précises, le commerce soit éventuellement réglementé, mais de façon assez souple pour répondre effectivement à l’ensemble de la demande, et qu’ainsi la prospérité qui en découle soit maximalisée. Il y a la question importante de l’accessibilité aux touristes, les bénéfices de la vente aux vacanciers de passage pouvant à eux seuls financer les besoins thérapeutiques…

Hormis cette prise en charge de la santé publique, on fixerait comme premier objectif, pour ce tissu associatif, d’assurer, dans ces zones ainsi « favorisées », un objectif a priori extraordinaire, mais non moins atteignable dans ce contexte : le plein emploi pour les 16-25 ans, les grands oubliés du RSA comme du marché du travail. Les associations et coopératives y seraient engagées collectivement dans chaque secteur. Il y a toujours du travail dans le cannabis, tant la demande est haute, et tant chaque étape du processus de production et de transformation demande de main d’œuvre, pas forcément qualifiée.

Une disposition spéciale pourrait également prévoir, particulièrement pour les 16-20 ans, que des formations leurs soient accessibles, dans leur temps de travail, pour préparer au baccalauréat, ouvrant l’accès à toutes les branches de l’université pour ceux qui pourraient le souhaiter. Car il n’y a pas que le cannabis dans la vie…

Faire du cannabis l’objet de notre modernité

Et, à côté de ce secteur associatif consacré au circuit de la plante elle-même, une « maison des start up » pourrait être installée, dans chaque poche de territoire ainsi favorisée, afin de stimuler, entre autres, l’industrie très prometteuse des produits dérivés, vaporisateurs ou autres gadgets associés à la consommation thérapeutique ou récréative du cannabis. Industrie qu’on a vu se développer vivement en Californie ou en Espagne ces dernières années.

Enfin, toutes ces dispositions seraient définies comme expérimentales, un observatoire veillant à étudier soigneusement les effets de chacune d’entre elles et à proposer des correctifs ou de nouvelles dispositions qui pourraient s’avérer nécessaires. Ces mesures seraient installées pour une période éventuellement reconductible d’une dizaine d’années qui devraient suffire à produire des effets durables, pour ne pas dire une modification complète du paysage de nos banlieues sinistrées depuis trop longtemps.

Appel à candidatures pour les élections européennes

Dans le cadre des prochaines élections européennes, un collectif de citoyen.ne.s a décidé de présenter sa liste : Legalize.

Legalize est une liste engagée pour une Europe sociale et durable. Sa première proposition, c’est la régulation du cannabis. « Nous voulons proposer une alternative pour une légalisation qui profiterait aux jeunes et aux plus démunis, sur un modèle de commerce associatif, offrant le plein emploi aux 16-25 ans dans les quartiers dits défavorisés, et assurant la fourniture de cannabis thérapeutique avec les bénéfices du commerce à fin récréative » explique Michel Sitbon, l’un des fondateurs du projet.

En effet, à l’heure où la légalisation est à l’ordre du jour planétaire, la question se pose de trouver les modèles français et européen. Les différentes expériences en cours, en Uruguay puis dans de nombreux Etats américains et maintenant au Canada ont prouvé que la légalisation peut être plus ou moins efficiente.

La liste Legalize, représentée par Safia Lebdi et Farid Ghehioueche entend mettre le débat de la régulation du cannabis sur la table du débat de ces européennes. Aujourd’hui, elle réunit déjà près d’une trentaine de candidat.e.s. Pour être conforme, cette liste doit réunir 79 noms.

Il y a encore du chemin et c’est pourquoi Legalize lance ce jour un appel, relayé par sa tête de liste, Safia Lebdi « Nous appelons tous les citoyens et surtout les citoyennes à se porter candidats et candidates. A l’heure de la parité, allons les femmes, engageons-nous ! »

Farid Ghehioueche appelle « A tous ceux qui demandent une réforme juste et efficace à se porter candidats car à l’heure où la légalisation déferle partout sur terre il est important de présenter nos solutions dans le débat français ».

Contact presse :
Safia Lebdi (0663187245)
Farid Ghehioueche (0751350234)

Michel Sitbon est éditeur chez L’Esprit Frappeur.

Il a dirigé le journal Maintenant en 1995. Il est l’auteur de Plaidoyer pour les Sans-papiers (1998), Un génocide sur la conscience (1998) et de :

• Mitterrand le cagoulard

• 2 bis rue de Tourville

• Rwanda, 6 avril 1994. Un attentat français ?

 2/05/2019

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