Les luttes du Maghreb

Medialternatif - 24/01/2011
Image:Les luttes du Maghreb

Un mouvement social au long cours
Il y a du Maghreb partout !

Ben Ali a abandonné le pouvoir.

Il est trop tôt pour analyser cette échéance
nouvelle de la crise politique ouverte par la lutte sociale.

Mais, en l’état, il est
évident que c’est le soulèvement populaire qui a forcé le départ du tyran.

En Tunisie et en Algérie depuis de semaines, ce ne sont pas des événements isolés,
circonscrits. Il ne s’agit pas simplement de mouvements émeutiers d’une population
exaspérée et d’une jeunesse sans espoir. La répression étatique impitoyable ne dit
pas tout. C’est le combat qui est mené qui nous dit l’essentiel.

Depuis fin décembre 2010 des manifestations contre les conditions de vie
insupportables, contre le mépris des puissants-es, contre le déni du pouvoir, ont eu
lieu en Tunisie. Elles se sont propagées dans le Maghreb.

Ce qui est présenté par les médias « aux ordres » comme une explosion soudaine
s’inscrit dans un cycle de contestations sociales et politiques réprimées par les
gouvernements en place, avec l’appui des principaux Etat capitalistes.

Les peuples du Maghreb subissent de plein fouet les conséquences d’une forte
spéculation capitaliste sur les matières premières alimentaires. Des augmentations
moyennes de 30 % des prix des produits de première nécessité : pain, huile, sucre et
semoule. Le tout dans un contexte de capitalisme corrompu, d’Etats autoritaires et
oligarchiques affirmant chaque jour davantage leur dimension dictatoriale.

Un mouvement social au long cours

Le pouvoir en Tunisie et en Algérie a répondu aux dernières luttes par une
répression terrible. Sans doute plus de 60 morts en Tunisie. C’est, à la une de
l’actualité, la réédition de la tradition bourgeoise des fusilleurs du peuple. Mais,
en même temps, la lutte sociale oblige les puissants à reculer.

Dans les dernières années, en 2008, dans le bassin minier de Gafsa Redeyef, en
Tunisie, des mouvements ont eu lieu contre des conditions de travail insupportables.
Face à ce long et courageux combat, l’Etat a déployé une répression policière suivie
par l’incarcération de nombreux militants et manifestants.

Début janvier 2011, c’est au tour du peuple algérien de se soulever contre la hausse
des prix, le détournement des biens publics, l’accaparement par les corrompus de la
rente pétrolière et les politiques de misère pilotées par le FMI. Il y a eu
auparavant la mobilisation de plus de 11’000 travailleurs dans la région
industrielle de Rouiba.

Au Maroc, depuis 2008, le régime développe une action systématique contre les
libertés démocratiques et syndicales, attaque les luttes ouvrières, au premier le
combat des mineurs, réprime dans le sang la protestation du peuple sahraoui.

Partout dans le Maghreb, les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Pourquoi les soulèvements ?

Des bourgeoises locales à la botte du FMI et des multinationales privent les
majorités sociales de tout espoir d’améliorer leurs conditions de vie, de jouir des
droits fondamentaux, de bénéficier d’une certaine sécurité sociale. Elles leur
imposent une précarité sans fin, une misère profonde, des salaires de famine. Et
cela atteint désormais l’immense majorité des travailleurs-es et des classes
populaires, jeunes, vieux-ieilles, qualifiés-es ou non qualilifiés-es. La seule
chose que les pouvoirs d’Algérie et de Tunisie, comme du Maroc d’ailleurs, offre aux
gens c’est de se soumettre et de se résigner, d’accepter et de se taire.

La misère matérielle, l’infinie précarité et le chômage structurel sont les
dimensions centrales du capitalisme au Maghreb. C’est cela qui a provoqué une
rébellion qui pourrait avoir une claire projection révolutionnaire.

C’est à une situation insupportable que répond le soulèvement. Contrairement à ce
que les médias du système prétendent, les manifestations de rue ne constituent pas
la seule pratique de lutte. Elles comportent d’abord une dimension de
réappropriation des biens, notamment des biens de première nécessité, qui est un
véritable processus de « socialisation sur le tas ». Elles se combinent avec des
mouvements de grève dans les lieux de production et de formation. Elles renvoient à
un formidable travail d’auto-organisation et d’action directe des classes
populaires. Elles mettent en valeur le travail d’organisation patient et courageux,
mené parfois depuis des décennies, face à la répression, par des collectifs
syndicaux, sociaux ou politiques. C’est, par exemple le cas, des syndicats autonomes
de base en Algérie, des secteurs combatifs de l’UGT en Tunisie, des associations de
travailleurs-euses intellectuels-elles au chômage et du
syndicalisme combatif au Maroc.

Il y a du Maghreb partout !

Les soulèvements populaires de Tunisie et d’Algérie, comme hier la grève générale en
Guadeloupe ou le mouvement contre le CPE en France, nous rappellent où est notre
force, où se forge une politique efficace pour défendre nos aspirations et nos
intérêts. Non dans les gouvernements, les parlements et les institutions qui servent
toujours et partout (ou presque, à deux ou trois îlots près) les intérêts de
privilégiés-es mais dans la construction systématique de la puissance populaire,
dans l’implantation d’organisations de lutte, d’entraide et de coopération,
indépendantes du pouvoir étatique et capitaliste.

Les pouvoirs du Maghreb sont parmi les expressions les plus caricaturales et les
plus brutales de ce qu’est le système capitaliste globalisé. Mais ils ne constituent
pas pour autant des réalités extérieures au système. Bien au contraire. Ils en sont
simplement une expression immédiatement sanglante. Ici même en Europe, la
consolidation d’Etats autoritaires est à l’ordre du jour, liquidant la liberté de la
presse comme en Hongrie, menaçant gravement le droit de grève et les libertés
syndicales, militarisant les travailleurs-euses en grève comme en Espagne et en
Italie, tentant de ruiner partout les services publics, les retraites et les
salaires, imposant la précarité et l’insécurité sociale,

Les luttes sociales dans le Maghreb s’inscrivent dans une longue chaîne de
soulèvements populaires qui parcourent le monde. Partout il est question de refuser
la logique d’exploitation et de domination d’un capitalisme de saccage.

C’est ce système général qui est combattu partout, jusqu’à l’insurrection. Certes,
la brutalité particulière que manifeste aujourd’hui le pouvoir en Algérie et en
Tunisie est inconnue dans les pays du centre. Mais la guerre sociale se livre aussi
ici. Les mouvements peuvent être plus ou moins forts, longs et déterminés mais tous
expriment partout une volonté de résister au système et de gagner par l’action
directe une nouvelle répartition des richesses et du pouvoir. Partout où il y a
lutte il y a affirmation du pouvoir populaire.

Chacun-e connaît cette vérité d’évidence : l’immense majorité des gouvernements, les
partis de la droite comme de la gauche du système, les institutions supranationales
et les appareils étatiques mènent, en dernière instance, une même politique destinée
à accroître sans fin les profits du capital et la domination à vocation illimitée
des capitalistes et de leurs bureaucraties, privées ou étatiques, sur la vie sociale
tout entière.

Contre cette barbarisation rampante, partout dans le monde, les grèves, les
manifestations et les soulèvements s’étendent. Partout s’expriment les besoins de
liberté, d’égalité, de justice sociale et d’émancipation. Partout celles et ceux qui
luttent posent la question de l’appropriation sociale des richesses, de la
démocratie réelle et radicale.

Action directe populaire, politique de libération

Du « gazolinazo » de Bolivie qui a brisé la tentative d’Evo Morales d’imposer une
politique d’austérité au soulèvement en Iran contre la dictature des mollahs, des
grèves du Portugal et d’Espagne à celles du Cambodge, de Chine ou du Bangladesh,
partout le même espoir se lève. Partout le mouvement agit en comptant sur ses
propres forces, en construisant sa propre puissance. L’action directe populaire
exprime tout entière la politique de libération.

On nous parle souvent de crise, de différences entre le capitalisme productif et le
capitalisme financier et spéculatif, d’action correctrice possible des instruments
politiques et étatiques. Tout cela n’est qu’une vaste mystification. C’est un
pillage des revenus, des biens et des acquis des classes populaires qui est partout
en route pour que les capitalistes touchent la rémunération qu’ils fixent eux-mêmes
chaque jour. Il n’y a ni gouvernement ni institution étatique qui échappent à cette
normalisation capitaliste. Il n’y a ni classe politique ni bureaucratie, quelle que
soit l’étiquette idéologique ou religieuse qu’elles se donnent, qui ne soient
bourgeoises dans leurs intérêts et leurs ambitions.

Ce qui compte pour notre émancipation c’est notre force, porteuse du changement
social et de la projection révolutionnaire, du socialisme et de la liberté.

Les soulèvements populaires du Maghreb, le courage et la dignité des femmes et des
hommes qui les portent, contribuent à ouvrir ce chemin pour toutes et tous.


[Source : OSL Vaud]

http://www.rebellion.ch

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 24/01/2011

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